deuxième extrait: Dans les studios
Mon éditeur m'ayant demandé de ne rien publier qui puisse révéler l'intrigue de Blood Story, le choix de ce second extrait a été extrêmement fastidieux.... Mais sachez au moins ceci:
A ce moment du récit, Susanne est déjà à l'intérieur de la Villa depuis plusieurs jours. Comparé aux autres participants, ses chances de survie sont très minces. Son frère Christophe, qui est médecin, reçoit une lettre de l'Intereal, la société de production en charge de la télé-réalité du futur. Fou d'inquiétude, il redoute un faire part de décès. En réalité, c'est une invitation pour assister au duel du lendemain en direct des studios.
Malgré un profond sentiment de malaise, il décide de s'y rendre...(Cliquez ici pour le résumé du roman)
20h12
- Votre invitation, monsieur ?
Christophe tendit automatiquement le billet cartonné au vigile posté devant l’entrée du studio. Celui-ci hocha la tête et s’écarta pour le laisser passer.
- C’est bon. Vous pouvez entrer.
Bien que le plateau fût encore vide et l’émission loin d’être commencée, l’intérieur du studio était déjà noir de monde. Des hôtesses étaient postées devant chaque entrée, et s’affairaient à placer les nouveaux arrivants. Une blonde sulfureuse au menton pointu et au nez visiblement refait lui indiqua l’allée du milieu.
- Vous pouvez choisir n’importe quel siège dans l’allée 17, monsieur, dit-elle avec un sourire qui lui tirait la peau du menton jusqu’aux commissures des lèvres. Je vous souhaite une agréable soirée.
Christophe marmonna un merci forcé. Il se fraya un chemin jusqu’à un siège situé vers le milieu de l’allée, juste à côté d’un type mal rasé qui mangeait goulûment du pop-corn et dont la moitié seulement atterrissait dans sa bouche, alors que l’autre moitié finissait immanquablement par terre ou sur ses genoux.
- Salut, dit l’homme à Christophe en lui envoyant une rafale de postillons caramélisés. Alors, prêt pour le spectacle ?
- Prêt, je ne sais pas. Mais impatient que ça se termine.
- Ouais, ouais, fit l’homme en reprenant une poignée de pop-corn. On l’est tous. Et encore, tu viens d’arriver. Moi, ça fait trois heures que j’attends sur ce putain de siège. J’ose même pas me lever pour aller pisser. Mais qu’est-ce que tu veux, j’ai commandé l’invit’ seulement trois mois à l’avance, je ne vais pas me plaindre. J’ai déjà un sacré bol d’avoir réussi à obtenir une place.
Il lança un coup d’œil à l’invitation de Christophe et poussa un sifflement admiratif.
- Un passe bleu, dis donc ! Je parie que tu n’as même pas eu à faire la queue ! Tu bosses à l’Intereal, c’est ça ?
- C’est ça, répondit Christophe à contre cœur.
- Ah ouais ? (L’homme lui lança un regard méfiant) Et tu fais quoi ?
- Technicien de surface, dit Christophe sans desserrer les dents. Quand je passe la serpillière, le sol est tellement brillant que les membres de l’équipe de prod peuvent voir le reflet de leur cul en passant dans les couloirs.
- Ah ouais, fit l’homme, de nouveau admiratif. Sacré boulot ! Bosser dans les locaux de l’Intereal, t’as du bol, mon vieux !
- Tu n’as pas idée.
Il se détourna, mettant fin à la discussion. Il commençait à se sentir vraiment mal à l’aise. Autour de lui, les conversations allaient bon train, et des bribes de phrases parvenaient à ses oreilles.
- …bien sur que sans Kat ce serait beaucoup moins intéressant, mais…
- …et l’autre, là, tu sais, la pute, comment c’est son nom ?…
- … clair que Jeffrey est un sacré coup, mais c’est pas une raison…
- …si c’était moi le bourreau, je l’aurais pas fait comme ça…
- …avec les pieds, ce doit être plus facile qu’avec les mains, non ?…
- … et Susanne, elle a franchement rien à foutre dans ce jeu ! Moi j’espère que c’est elle…
Christophe sentit tout son corps se couvrir de sueur. Il se retourna en direction de la voix et balaya la salle du regard. Impossible de découvrir qui venait de lâcher cette phrase. Il y avait trop de monde.
Cela pouvait être n’importe qui.
Tout à coup il lui sembla que la salle entière parlait de Susanne. Le groupe de filles juste derrière lui, dans l’allée 18. Le couple situé plus loin à sa droite. La vieille femme qui chuchotait avidement quelque chose à l’oreille de sa voisine. Ils parlaient tous de Susanne, tous. Ils voulaient tous la voir mourir.
Et soudain, ce fut une certitude.
La prod a envoyé une
invitation, parce que Susanne doit être la victime du troisième duel !
Il ne voyait pas d’autres raisons.
La lumière baissa, et le public se mit à applaudir.
Le présentateur entra sur le plateau.
Le spectacle était sur le point de commencer.